PlayTime

Je ne suis pas vraiment un « cinéphile » au sens culturel du terme : j’ai de grosses lacunes sur plein de domaines et mes impasses sont plus que nombreuses. Mais j’ai « mon » réalisateur fétiche, un vrai coup de foudre sur ses trop rares films, aiguisé que j’ai été par le statut de « réalisateur maudit » qu’il a rapidement eu : Jacques Tati. J’ai découvert son oeuvre quand j’étais ado, par pur hasard, lors d’une rétrospective qui passait à la télé (sur « La Sept » 😉 ).

Tati, c’est « Jour de fête », « Les vacances de M. Hulot », « Mon oncle », et surtout….. PlayTime.

Bien qu’ayant vu le film plusieurs dizaines de fois (quand on aime, on ne compte pas !), je serais bien incapable de le décrire. Sorti en 1967, il a causé la faillite de son créateur, par manque de succès, et surtout suite à un budget qui avait littéralement explosé, devenant le film français le plus cher de son époque. C’est aussi le film le moins accessible de Tati, et celui qui « exige » le plus d’attention et d’implication de ses spectateurs. Mais… quel chef d’oeuvre absolu !

Bon, pour finir de vous décourager, j’ai dû rencontrer dans ma vie 2 à 3 personnes adorant sans aucune réserve le film, tous les autres ne parvenant pas à « rentrer » dedans, le trouvant ennuyeux, pas drôle, prétentieux, incompréhensible… Avec un scénario très précis mais à la « trame » plutôt maigre, quasiment aucun dialogue, de très longs plans fixes, il faut dire que c’est tout sauf un film facile à regarder !

Bon, il reste 2 ou 3 personnes intéressées après ce descriptif peu engageant ? PlayTime est un film absolument fabuleux, magique, immensément riche. Mais il part sur un postulat de base absolument génial et à l’opposé du cinéma auquel on est habitué : il demande, il exige un engagement total du spectateur. Rien n’est fait pour lui faciliter la tâche. Tati adorait cultiver son sens de l’observation, et il vous demande d’en faire de même. Rien n’est « prémâché ». Si ce film est un tel OVNI par rapport au cinéma « classique », c’est peut être parce que ce n’est pas vraiment un film. Ce sont des morceaux de vie que Tati a introduit et entremêle. Rien à voir avec un documentaire, pourtant, mais plutôt les mêmes exigences que la vraie vie, là où le cinéma apparaît finalement très artificiel en vous « préparant » le terrain. Certains passages sont extrêmement lents, parce que tout n’est pas rythmé dans la vie. Et puis, à certains moments, tout s’accélère, et il faut suivre plusieurs actions d’un coup. Parce que dans la vie, il n’y a pas d’acteurs principaux et d’autres secondaires.

Sur ces bases là, on allait tout droit à une catastrophe. Et c’est une réussite totale. Sans doute parce que PlayTime est d’une richesse époustouflante, encore aujourd’hui je trouve à chaque visionnage une multitude de détails que je n’avais pas vu jusqu’alors. C’est une oeuvre incroyablement minutieuse, d’un artiste voulant absolument tout maîtriser. L’image est grise, parce que Tati veut maîtriser l’usage des couleurs. Les sons sont incroyablement travaillés, tout comme la photographie, les décors, la lumière, la direction d’acteurs…

Le vrai sujet de PlayTime, c’est la modernité, de l’architecture, de l’organisation des villes. Mais pas dans une optique du « c’était mieux avant ». Le film est là pour nous montrer que la modernité va pouvoir être d’un glacial inhumain, ou d’une chaleur infinie, suivant ce que l’on veut bien en faire. Etonnament visionnaire pour son époque, il montre le Paris des buildings que l’on commence a connaître avec l’architecture d’aujourd’hui. Parce qu’avec un simple brin de muguet, vous ne verrez plus jamais les réverbères d’Orly comme avant… Le film a été restauré en 2002 par des passionnés, et j’ai eu la chance de voir le film comme il devrait être vu : au cinéma, sur un très grand écran. Tourné en 70mm, un format tellement ambitieux qu’il a été abandonné depuis, il permet de s’immerger complètement dans le film, et de voir la magie du spectateur impliqué totalement : dans la salle, les gens « montraient » du doigt certains détails qu’on ne voyait qu’en étant super attentif, dans un petit coin de l’écran. Un grand souvenir !

Si je ne vous ai pas complétement dégoûté, le film existe aujourd’hui en DVD… Dites moi ce que vous en pensez ! Pour ma part, c’est très certainement MON film préféré, celui que je ne me lasserai jamais de voir et de revoir…

One Comment

  1. Répondre
    loup solitaire 18 avril 2007

    ce film a l’air d’etre vraiment interessant. Rien que cette scene m’a fait beaucoup reflechir. Les gestes des personnage, les photos… Ont sent que rien a été fait au hasard. Chaque chose doit vehiculer un message…

    Cela m’a fait pensé au film de Mamoru Oshii: "Avalon". Lui aussi a été incompris Les producteur n’y on vu qu’un film d’action alor que son travail était plus profond et qu’il a voulu trenscandé ses spectateurs.

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