Quand je faisais du sport au collège, il faut bien avouer que j’étais assez pitoyable à peu près dans toutes les disciplines (avec une mention particulière pour le football, puisque je refusais tout contact physique avec le ballon, ce qui n’est pas une stratégie très judicieuse pour devenir le nouveau Zidane), sauf dans une : le sprint. Sur 100 mètres (ou 80, je ne sais plus ce qu’on faisait à l’époque), j’étais particulièrement doué, surprenant ainsi tous mes camarades qui avaient fini par me croire comme définitivement handicapé de l’effort physique. En revanche, sur des épreuves de fond, j’étais très mauvais, incapable que j’étais de doser un effort pour le faire tenir dans le temps.
Pourquoi aborder le sujet particulièrement inintéressant de mes piètres performances sportives à l’école ? Parce que, dans les grandes cogitations qui m’agitent en ce moment, un des constats que j’ai pu faire est mon incapacité à tenir une course de fond. Je suis un mec de défi, d’action, qui lorsqu’il se fixe un objectif va tout faire pour l’obtenir. En revanche, maintenir l’existant, le faire vivre et s’y épanouir, font partie de mes gros points faibles. En amour, dans le travail, dans mes projets personnels… Je papillonne, par réflexe du « jamais content » que je décrivais il y a quelques jours, mais aussi par difficulté à tenir une course de fond.
Etant donné que j’ai à un moment donné l’ambition dans ma vie d’etre un minimum plus stable et d’avoir une situation plus pérenne, je me suis donc posé la question de cette difficulté à tenir dans le temps. Et je me suis souvenu de mes exploits sportifs de jeunesse : si l’on veut faire une course de fond, le premier des trucs à faire… est de ne pas la commencer par un sprint !
J’aime agir, et c’est sans doute pour ça que ma carrière professionnelle s’est rapidement tournée plus vers des postes d’encadrement que d’exécutant. J’aime me dire qu’on peut faire de sa vie ce que l’on veut qu’elle soit, pour peu qu’on s’en donne les moyens et qu’on ne reste pas les bras ballants en attendant que les choses tombent toutes seules. Et j’ai souvent vécu en cohérence avec ça : s’il y avait quelque chose que je voulais vraiment, je faisais tout pour pouvoir l’obtenir. Souvent avec succès d’ailleurs, ce qui m’a permis d’avoir de très belles choses dans ma vie. Mais je me suis rendu également compte, avec du recul, qu’en fonctionnant ainsi, je démarrais ces nouvelles choses en étant comme « épuisé », sans ne plus avoir rien à donner. Un travail, une relation amoureuse, un projet, s’apparentent plus à des courses de fond qu’à des sprints, ou alors en prenant le gros risque que le tout tourne au feu de paille…
Comprendre ça a été un gros flash pour moi. J’ai toujours voulu avoir des « piliers » dans ma vie, obtenir des choses de manière pérenne. Mais, à l’exception notable de mes enfants, qui sont définitivement à part pour moi, je me suis maintenant rendu compte que j’avais besoin d’appréhender les choses autrement pour pouvoir tenir ces « courses de fonds » de la vie.
Je fais donc beaucoup pour faire désormais quelque chose qui est à priori contre-nature chez moi : laisser aller les choses. Je continue à savoir ce que je veux dans la vie, mais je sais désormais que, pour moi en tout cas, le meilleur moyen de ne pas les gâcher est encore de les laisser venir d’elles-memes. Et que le fait de ne pas rester les bras ballants, ça n’était pas forcément faire le forcing pour décrocher à tout prix et dans un délai record le truc que l’on veut, mais plutôt faire en sorte de se tenir prêt, ne rien cacher de ses intentions, et laisser venir les choses d’elles-meme, avec le temps, en faisant la preuve de sa constance et de sa capacité à être « la » bonne personne, car on se sera préparé dans l’intervalle.
Ca ne veut pas dire du tout que je fais une croix sur mes envies, ou que je sais moins ce que je veux : j’ai l’impression de savoir au contraire d’une manière de plus en plus claire ce que je recherche. Mais s’il faut se donner les moyens d’atteindre ses objectifs, agiter les bras et courir dans tous les sens n’est pas forcément la meilleure voie.. C’est du moins ce que mes multiples expériences m’enseignent petit à petit…
Bien sur, le scientifique que je suis ne peut pas s’empêcher de se dire qu’en faisant les choses ainsi, on réduit pas mal la probabilité que les choses arrivent effectivement. Mais je sais aussi que si elles finissent par arriver, que si la personne que l’on aime ou le projet qu’on a vient ensuite à soi, de lui-meme, parce qu’on est cohérent avec ses propres envies et crédible car « prêt », la route qui est ainsi entamée aura beaucoup plus de chance d’etre durable, car partant sur de bonnes bases, avec l’esprit clair, et sans être « essoufflé » dès le départ. Et puis… au final, je me demande si, même en réfléchissant en terme de « probable ou improbable », si cette voie n’est pas au final meilleure..
Et puis, en écrivant cet n-ième variation autour de mon nombril, et en réfléchissant à mes rêves, à mes envies dans le domaine amoureux, j’en viens à me souvenir de la conclusion d’un des contes que j’avais pu jouer avec plaisir il y a quelques années avec la petite troupe dans laquelle j’étais : « Ce que veulent les femmes ? Qu’on les laisse choisir ce qu’elles veulent de leur vie ». C’est peut être de la méthode Coué, mais j’ai vraiment l’impression de prendre la bonne voie.