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Incipit

Le billet précédent m’a donné envie de replonger dans l’univers de Jean-Pierre Jeunet, réalisateur bien à part parmi les cinéastes français. Si vous aimez ça, je vous conseille les pistes « commentaires audio » de ses DVD, qui sont toujours très instructifs.

En farfouillant sur le Web, j’ai trouvé la définition de ce qu’était un « Incipit » : « une séquence dans laquelle le réalisateur présente tout ce que le spectateur doit comprendre et retenir de la narration de son oeuvre artistique. donc soyez toujours attentif à ce passage dans un film, David Lynch le fait de façon très pédagogique dans tous ces films, il invite le spectateur dans son jeu narratif. »

Voici donc l’incipit de « La cité des enfants perdus », qui reste je crois le film de Jeunet (en fait, un des deux « Jeunet/Caro », l’apport de Marc Caro étant énorme) que je préfère, plein de poésie et d’originalité… mais aussi sans doute le « film maudit » de Jeunet, celui qui été le plus mal compris et qui a eu le moins de succès :


La cité des enfants perdus; incipit
envoyé par fuzz59

J’aime pas…

Au cas où il y aie quelqu’un dans la salle qui se demande pourquoi j’aime tant le petit jeu du « j’aime/j’aime pas »….


Foutaises – Jean-Pierre Jeunet
envoyé par Jumbo

Toute ressemblance avec « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain » du même réalisateur est bien entendu tout sauf fortuite…. 🙂

Et vous, quels sont vos « j’aime/j’aime pas » ? 🙂

Orange électrique

Bon, j’arrive après la guerre, vu que la polémique date d’il y a quelques jours, mais j’avais envie d’écrire un peu sur le sujet… Le groupe électro Français « Justice » a récemment défrayé la chronique avec leur nouveau clip, réalisé par Romain Gavras du collectif Kourtrajmé. Je préviens d’avance, c’est plutôt violent :


justice stress (official video)
envoyé par 75_prod

Alors, c’est quoi ? Une version 2000 du « Quand on arrive en ville » de Balavoine ? Un buzz gratuit (et ça marche bien, vu le nombre de gens qui en parlent… Vous connaissiez Justice avant, vous ?) ? Un message caché ? Une dénonciation de la violence ? Une dénonciation de la mise en scène que font les journalistes des phénomènes de banlieue ?

Les réactions ont été tout aussi violentes, sur le thème de la « violence gratuite », tant il vrai qu’il est difficile à première vue de dire si le film dénonce la violence qu’il montre, ou l’amplifie. Comme toujours, en regardant d’un peu plus près, ce n’est pas si simple, mais pas pour autant pour dédouaner complètement le groupe et son réalisateur.

Autant le dire tout de suite, Romain Gavras n’est ni un débutant, ni un imbécile, et encore moins un facho. Fils du réalisateur Costa-Gavras (il signe d’ailleurs maintenant « Romain-Gavras », joli clin d’oeil), ça fait un moment que je suis son travail au travers des courts métrages qu’il a pu sortir avec son complice Kim Chapiron, et c’est souvent un travail excellent, proche d’une certaine « réalité des banlieues », du moins autant que je puisse en dire depuis ma campagne auvergnate ! Mais surtout, c’est un réalisateur malin et intelligent, et cela se ressent vraiment, même au travers de ce clip hyper-violent.

Regardons maintenant le clip d’un peu plus près. Le premier truc qu’on peut reprocher est l’absence totale d’explication. C’est vraiment un clip façon « reportage réel », avec la caméra qui tremble, et plein d’indices qui sont là pour montrer que l’on nous montre là un reportage : on voit a plusieurs reprises le perchman, le caméraman finit assomé à son tour à la fin du clip, etc… Les reporters se retrouvent ainsi mi-témoins, mi-complices des méfaits filmés, en courant avec les autres pour échapper aux flics, en ne défendant pas les personnes agressées…

Dans les critiques les plus fréquentes, celle disant qu’on se demande parfois si le clip n’est pas une pub pour les blousons (qui sont parait il disponibles à la vente, et hors de prix : 700 euros !), vu qu’ils sont omniprésents dans les scènes. L’image de ces blousons est pourtant pas accessoire : mi-flippante, mi-hypnotique, on imagine très facilement la frayeur qu’on pourrait avoir en voyant débarquer une bande comme ça, avec ces espèces de croix ressemblant à des cercueils.

Autre détail perturbant : à deux reprises (lorsque le flic détériore la caméra, lorsque les djeunz lancent la musique dans la BX), on se rend compte que la musique du clip s’interrompt. Ca m’a personnellement vraiment fait tiquer. On n’a pas affaire à un clip qui illustre la musique, mais à une musique qui sert de bande son « en réel » aux faits et gestes de la bande. Mine de rien, c’est un retournement de situation, une instrumentalisation de la musique plutôt….déroutante.

La façon de filmer est plutôt bizarre : on alterne des plans très « tv-réalité », typique d’un reportage fait à l’arrache, et d’autres beaucoup plus esthétiques, des travellings, de vraies mises en scène du décor de la banlieue ou du métro. Encore une fois, j’ai du mal à croire que Romain Gavras aie fait les choses au hasard, et je vois tout ça plus comme des moyens de brouiller les pistes qu’autre chose.

Autre brouillage de piste, ou démasquage de l’auteur : le fait que le clip reprenne pas mal du style, et des idées, d’un autre clip, datant d’une dizaine d’années : Bon alors, provoc, dénonciation ? Justice a été obligé de publier un communiqué de presse, où ils incitaient simplement à ce que chacun se fasse son interprétation. C’est vrai que, dans la société d’aujourd’hui, un film sortant des chemins balisés habituels où tout est très « manichéen », où l’on ne nous montre pas qui sont les gentils, les méchants… Ceci dit, les interrogations n’en sont que plus fortes après… On a parfois comparé le clip au film « Orange mécanique », avec toutefois un énorme bémol à apporter : le film de Kubrick était un film d’anticipation, alors que ce clip est censé montrer une certaine réalité bien réelle… et qui est peu contestée.

J’ai vraiment une impression troublante et bizarre : plus on visionne et l’on étudie le clip, plus l’on se rend compte qu’il est tout sauf une « grosse merde bâclée », comme on a pu le lire fréquemment, mais là où, plus ou moins consciemment, on attendrait une certaine « légitimation », un message qui montrerait que la violence montrée n’est pas une pub primaire de l’auteur, on ne fait que recenser des pistes brouillées, et d’autres interrogations… Dangereux ? J’espère que l’intérêt du film est au moins d’inciter à « lire » les images d’une manière un minimum réfléchie, et j’ai modestement écrit cet article en ce sens 😉

Je garderai juste la conclusion qui est celle du clip : « Ca te fait kiffer de filmer ça, fils de pute ?? »

Edit : quelques remarques supplémentaires et intéressantes :

  • Bertrand m’a fait remarquer à juste titre que certaines scènes étaient ouvertement des clichés à Orange Mécanique, comme quoi le rapprochement n’est pas si idiot que ça…
  • Tous les objets volés par les djeunz le sont toujours dans un but de destruction, et pas de possession : l’appareil photo est immédiatement détruit, la BX brûlée….
  • Les flics apparaissent d’une manière très « jeu vidéo », au détour de l’ouverture d’une porte d’ascenseur…. Un cliché de plus à cette culture
  • L’échange

    Rholala, je suis impardonnable, j’ai même pas pris le temps de mettre sur ce blog la nouvelle…euh…. »oeuvre » de mes potes de la PAFE. Ca s’appelle « L’échange » :


    L’échange
    Envoyé par ponchy dans Cinéma sur wat.tv

    Superbe réalisation avec leur tout nouveau matos HD, qui donne toute sa valeur avec la version haute résolution que l’on peut télécharger sur leur site. Encore une fois l’inénarrable Christian Eustache en acteur principal, Thierry à la réalisation et au scénario, et toute l’équipe derrière la caméra. Du vrai bon boulot !

    Tout ce qui conte

    Oups, j’ai failli louper ça :

    Z

    J’ai revu ce soir un film que j’avais vu ya des années… « Z », de Costa Gavras.

    Ce film est à l’origine de la vague des « films politiques » du début des années 70, et c’est certainement le meilleur. Un casting excellent au service d’une histoire passionnante, les débuts de la « dictature des colonels » qui sévit en Grèce fin des années 60.

    Le film a bien sûr super vieilli, mais il reste un document saisissant sur cette période pas si éloignée de l’histoire : comment en Europe, dans les années 60, une démocratie a pu glisser vers une dictature fascisante sous couvert d’une pseudo démocratie… Très instructif ! Et à (re)voir…

    1M06

    Joli petit film qui a obtenu le 1er prix du récent festival D’Oloron (avec rien pour Mago, grande injustice !!).

    Ya un Mac en personnage principal, ça cause d’Internet, c’est bien foutu visuellement et au style chiadé, cela ne pouvait que me plaire 😉

    Visionner le film

    PlayTime

    Je ne suis pas vraiment un « cinéphile » au sens culturel du terme : j’ai de grosses lacunes sur plein de domaines et mes impasses sont plus que nombreuses. Mais j’ai « mon » réalisateur fétiche, un vrai coup de foudre sur ses trop rares films, aiguisé que j’ai été par le statut de « réalisateur maudit » qu’il a rapidement eu : Jacques Tati. J’ai découvert son oeuvre quand j’étais ado, par pur hasard, lors d’une rétrospective qui passait à la télé (sur « La Sept » 😉 ).

    Tati, c’est « Jour de fête », « Les vacances de M. Hulot », « Mon oncle », et surtout….. PlayTime.

    Bien qu’ayant vu le film plusieurs dizaines de fois (quand on aime, on ne compte pas !), je serais bien incapable de le décrire. Sorti en 1967, il a causé la faillite de son créateur, par manque de succès, et surtout suite à un budget qui avait littéralement explosé, devenant le film français le plus cher de son époque. C’est aussi le film le moins accessible de Tati, et celui qui « exige » le plus d’attention et d’implication de ses spectateurs. Mais… quel chef d’oeuvre absolu !

    Bon, pour finir de vous décourager, j’ai dû rencontrer dans ma vie 2 à 3 personnes adorant sans aucune réserve le film, tous les autres ne parvenant pas à « rentrer » dedans, le trouvant ennuyeux, pas drôle, prétentieux, incompréhensible… Avec un scénario très précis mais à la « trame » plutôt maigre, quasiment aucun dialogue, de très longs plans fixes, il faut dire que c’est tout sauf un film facile à regarder !

    Bon, il reste 2 ou 3 personnes intéressées après ce descriptif peu engageant ? PlayTime est un film absolument fabuleux, magique, immensément riche. Mais il part sur un postulat de base absolument génial et à l’opposé du cinéma auquel on est habitué : il demande, il exige un engagement total du spectateur. Rien n’est fait pour lui faciliter la tâche. Tati adorait cultiver son sens de l’observation, et il vous demande d’en faire de même. Rien n’est « prémâché ». Si ce film est un tel OVNI par rapport au cinéma « classique », c’est peut être parce que ce n’est pas vraiment un film. Ce sont des morceaux de vie que Tati a introduit et entremêle. Rien à voir avec un documentaire, pourtant, mais plutôt les mêmes exigences que la vraie vie, là où le cinéma apparaît finalement très artificiel en vous « préparant » le terrain. Certains passages sont extrêmement lents, parce que tout n’est pas rythmé dans la vie. Et puis, à certains moments, tout s’accélère, et il faut suivre plusieurs actions d’un coup. Parce que dans la vie, il n’y a pas d’acteurs principaux et d’autres secondaires.

    Sur ces bases là, on allait tout droit à une catastrophe. Et c’est une réussite totale. Sans doute parce que PlayTime est d’une richesse époustouflante, encore aujourd’hui je trouve à chaque visionnage une multitude de détails que je n’avais pas vu jusqu’alors. C’est une oeuvre incroyablement minutieuse, d’un artiste voulant absolument tout maîtriser. L’image est grise, parce que Tati veut maîtriser l’usage des couleurs. Les sons sont incroyablement travaillés, tout comme la photographie, les décors, la lumière, la direction d’acteurs…

    Le vrai sujet de PlayTime, c’est la modernité, de l’architecture, de l’organisation des villes. Mais pas dans une optique du « c’était mieux avant ». Le film est là pour nous montrer que la modernité va pouvoir être d’un glacial inhumain, ou d’une chaleur infinie, suivant ce que l’on veut bien en faire. Etonnament visionnaire pour son époque, il montre le Paris des buildings que l’on commence a connaître avec l’architecture d’aujourd’hui. Parce qu’avec un simple brin de muguet, vous ne verrez plus jamais les réverbères d’Orly comme avant… Le film a été restauré en 2002 par des passionnés, et j’ai eu la chance de voir le film comme il devrait être vu : au cinéma, sur un très grand écran. Tourné en 70mm, un format tellement ambitieux qu’il a été abandonné depuis, il permet de s’immerger complètement dans le film, et de voir la magie du spectateur impliqué totalement : dans la salle, les gens « montraient » du doigt certains détails qu’on ne voyait qu’en étant super attentif, dans un petit coin de l’écran. Un grand souvenir !

    Si je ne vous ai pas complétement dégoûté, le film existe aujourd’hui en DVD… Dites moi ce que vous en pensez ! Pour ma part, c’est très certainement MON film préféré, celui que je ne me lasserai jamais de voir et de revoir…