Aujourd’hui 29 mai, c’est la fête des mères (en France du moins. Au Québec c’est plus tôt dans le mois de mai).
Ca fait maintenant 35 ans que j’évite soigneusement le sujet de la fête des mères. Avec différentes stratégies : lorsque je vivais avec la mère de mes enfants, on se concentrait sur eux, ce qui était plutôt facile, comme ils étaient petits. Et le plus souvent, je me suis contenté d’éviter de croiser qui que ce soit, en passant la journée dans ma grotte en bouquinant, en travaillant, bref en contournant l’obstacle.
Ma maman est morte en 1986. Je pourrais dire « est décédée » ou « a disparu », je préfère utiliser les mots bruts, mes excuses aux malentendants ou aux dis-intelligents. Bref, elle est morte alors que je n’avais pas encore 13 ans.
Je n’ai pas réussi à vraiment pleurer lorsqu’elle n’était plus là. Et pourtant, je l’aimais, de tout mon coeur. Mais tout ceci avait quelque chose de « logique ». Parce qu’elle était malade. Parce qu’elle était d’une jeunesse et d’une fraîcheur d’esprit qui laissait peu de place pour l’imaginer vieillir, se dégrader avec le temps, se replier sur elle-même ou dans un découragement.
J’ai toujours considéré que je n’avais pas eu un parcours « difficile ». Pourtant, lorsque je raconte mon histoire, j’attire un peu trop souvent des visages de compassion ou de tristesse à mon encontre. A chaque fois, j’ai ce même malaise, à presque culpabiliser de ne pas me sentir moi même triste. Est ce que j’ai enterré un peu trop profond ma douleur ? Est ce que je me ferme les yeux ?
Je n’ai pas de réponse à cela. J’ai l’impression sincère d’avoir eu une enfance heureuse, épanouie, entouré d’amour et d’attention. J’ai eu la grande chance de connaître cette personne qui a marqué tout son entourage, par sa fragilité, mais aussi son intelligence de coeur, son originalité, son honnêteté radicale face à la vie.
Le seul point dissonant à ce petit raisonnement reste la fête des mères. Je n’y arrive pas. Malgré toutes les années. Je lisais l’autre jour un article expliquant que certaines maîtresses d’école préféraient faire faire à leurs petits protégés des ateliers « pour les personnes qu’on aime », plutôt que pour les mères. Pour éviter de tourner le couteau dans la plaie d’enfants qui gèrent si difficilement cette fête qui ne fait que mettre en lumière le manque qu’il y a dans leur vie.
Ironiquement, mes enfants n’ont plus vraiment de mère. On peut dire qu’elle a « disparu », du moins de leur vie. Je ne peux m’empêcher de penser que reproduire ce schéma, certes dans un contexte bien différent (quoique..) est une belle ironie de la vie. Et j’en suis très triste pour eux. Même si, comme moi finalement, ils s’en sortent avec une vie plutôt épanouie et équilibrée.
Je ne sais pas vraiment où je vais avec ce petit texte auto-thérapeuthique. Je me dis juste que le simple fait de parvenir à écrire sur le sujet délicat de la fête des mères prouve que j’ai réussi à avancer sur ce chemin. A apaiser ce qui devait l’être. 35 ans après, il était temps !
Je t’aime maman.