Nombreux débats en ce moment autour de l’anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, et du statut de la France pendant la guerre…
François Hollande s’est prononcé ce 24 juillet sur une position proche de celle de Jacques Chirac, en assumant le rôle de la France sur ces actions de déportation des juifs :
Nous devons la vérité sur ce qui s’est passé il y a 70 ans. La vérité, c’est que le crime fût commis en France, par la France
Ce discours a provoqué plusieurs réactions scandalisées de politiques, bien plus me semble t’il que le discours, pourtant au ton similaire, de Jacques Chirac en 1995.
J’ai vu il y a peu de temps un documentaire sur Jean Zay qui m’a fait prendre conscience, entre autre, de l’importance qu’avait eu, pour les acteurs de l’époque, ces déclarations, primordiales pour permettre de jauger avec l’importance nécessaire le rôle des collaborateurs français pendant la deuxième guerre mondiale.
Au coeur du débat, la définition de « la France » pendant cette guerre. Henri Guaino :
Ma France, elle n’était pas à Vichy, elle était à Londres depuis le 18 juin. Il n’a pas parlé au nom de la France que j’aime
Difficile d’aimer effectivement cette France là, qui a commis de tels crimes. Et pourtant…
J’ai été intrigué par des propos de Jean-Pierre Chevénement :
C’est faire comme si Pétain était la France et comme si le véritable coup d’Etat opéré le 10 juillet 1940 par un gouvernement de capitulation n’avait pas existé.
D’après lui, si je comprend bien, on ne peut assumer les actions de la France puisqu’elle n’était pas légitime à cette époque là. Le pouvoir aurait été « volé » par des gens qui auraient ensuite accomplis de bien basses actions sans qu’ils soient crédibles pour parler au nom de la France.
Cette version est effectivement arrangeante pour notre bonne conscience, mais est-elle réaliste ? Je suis loin d’être un spécialiste en histoire sur cette période, mais il me semble me souvenir que le pouvoir n’a pas été arraché en 1940. Si l’on en croit Wikipédia :
Le mercredi 10 juillet 1940 est soumise à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire la réunion de la Chambre des députés et du Sénat, une proposition de révision de la Constitution permettant d’attribuer les pleins pouvoirs constituants au maréchal Philippe Pétain, président du Conseil.
La législature qui vote les pleins pouvoirs à Pétain est constituée de la Chambre des députés, issue des élections législatives du 3 mai 1936 qui avaient vu la victoire du Front populaire, et du Sénat qui s’y révélait plus hostile.
Le peuple est représenté en France par ses députés et sénateurs. Leurs votes et décisions se font, me semble t’il, au nom de la France. La résistance a existé, fort heureusement, et elle a par son action permis de sauver l’honneur des français. Mais je vois mal, au vu de ce contexte, comment contester que Pétain, c’était la France. Même si ça fait mal au cul de se le dire.
Bien sûr, il n’était pas représentatif de 100% des français, et « la France » de la guerre était composite. Tout comme le gouvernement actuel ne représente pas les opinions de tous les français de droite. Mais il était légitime, malheureusement.
Facile en 2012 d’avoir 60 millions de résistants potentiels. Mais en 1942, sans le recul de l’histoire, et même si c’est bien triste, beaucoup étaient, de manière active ou passive, engagés dans une voie suivant le mouvement de l’Etat Français. Oh, pas par nazisme en herbe, ni haine des juifs (dont le destin n’était pas connu à l’époque), ni même envie de collaboration. Le plus souvent par peur, par volonté de préserver le peu qui leur restait, de protéger leur famille du danger immédiat, par désillusion, par plein de choses qui font que l’humain est humain. Je serais incapable de dire quel aurait été mon comportement pendant cette période, et c’est, je crois impossible à affirmer lorsqu’on n’est pas réellement dans le feu de l’action.
On peut bien sûr discuter, et certains historiens le font fort bien, de la question de l’origine des décisions : Vichy intervenait-il par sa propre initiative ? Sur ordre des allemands ? Le gouvernement de 1940 a t’il accompli des actions permettant de sauver des Juifs ? La vérité sur les actions de ce gouvernement est fort heureusement contrastée, et tous les vichystes n’étaient pas des barbares assoiffés de sang. Mais nier que la France était pour bonne partie bel et bien là, sur le territoire français, et sur ordre du Maréchal Pétain, pendant cette période, me semble une politique de l’autruche bien triste.