Je n’ai peut être pas avancé ces derniers temps autant que je l’aurai voulu, et quelques épisodes récents m’auront montré que j’ai encore à faire pour me conformer à mon objectif : avancer, regarder droit devant, croire en mes rêves et surtout laisser le temps faire les choses en ayant foi en son destin. Mais je me suis tout de même rendu compte que j’avais « grandi » sur un autre des domaines qui me tenaient à coeur : apprendre à maîtriser ses pulsions, et vivre sans colère ni rancoeur.
J’ai découvert cet été les écrits de Krishnamurti. Il y a des livres qui passent dans votre vie par hasard, et qui, lorsque vous les reposez sur votre table de chevet après les avoir lu, vous font dire que, décidément, il n’y a finalement pas de hasard dans la vie. Ca m’était déjà arrivé avec « L’alchimiste », de Paolo Coelho, qui trainait dans les tiroirs d’une location de vacances. Celui là, « Le sens du bonheur », était posé comme en évidence sur mon bureau, vestige d’un déménagement où plein d’affaires étaient posées en vrac.
Le livre de ce bonhomme m’a énormément marqué. Vu de l’extérieur, ça peut laisser penser à un nième gourou illuminé. Mais la philosophie qui y est présentée est très différente. Le premier « enseignement » est précisément lié au fait de ne pas avoir de guide, de gourou, mais d’apprendre à penser par soi même, et de cultiver avant tout sa personnalité, son individualité. Et son message amène à une universalité étonnante, et, pour ma part, m’a « parlé » au plus profond de moi-même, tellement il faisait écho à des choses que j’avais vécu, à des ressentis ou des blocages que j’avais dû affronter.
Je reviendrai sans doute dans un prochain texte sur ces écrits, je voudrais ici parler d’un thème qui m’a beaucoup questionné récemment : la colère.
J’ai appris à prendre du recul vis à vis de ces ressentis « bas », sans doute venant de loin et très instinctifs, mais qui ont pu me faire beaucoup de mal à moi-même, tout en m’amenant à avoir des paroles très malheureuses ou accomplir des actions que j’ai amèrement regretté par la suite. Et je me rend compte que comprendre la colère est le premier des outils pour apprendre ensuite à mieux la maîtriser, et aller vers un chemin où l’on apprend à vivre en paix avec soi même, avec un recul qui nous fait voir les choses d’une manière bien plus clairvoyante.
Plutôt que de philosopher à mon tour, voici quelques extraits qui ont pu me marquer.
La colère a la force et la vitalité passagères de ce qui est isolé. Il y a un étrange désespoir dans la colère ; car l’isolement est désespoir. La colère que font naître la déception, la jalousie, le besoin de blesser, procure un soulagement agréable dans la mesure où elle est une justification de soi. Nous condamnons les autres, et cette condamnation nous justifie à nos yeux. Si nous n’adoptons pas telle ou telle attitude, qu’il s’agisse de justification ou d’humiliation, que sommes-nous ? Nous cherchons par tous les moyens à affirmer notre personnalité, et la colère, comme la haine, est un des moyens les plus faciles.
La colère a ceci de particulier qu’elle vous isole ; comme le chagrin, elle vous retranche du monde, et vous fait perdre le sens des relations humaines.
Il ne nous arrive jamais de dire que nous sommes en colère et de nous en tenir là ; nous nous lançons dans de savantes explications sur ses origines. Nous ne disons jamais simplement que nous sommes jaloux ou fâchés, mais nous justifions ou nous expliquons notre jalousie ou notre ressentiment. Nous demandons comment il peut y avoir de l’amour sans jalousie, ou bien nous disons que les agissements de telle personne nous ont déplu, et ainsi de suite. C’est l’explication, la formulation, silencieuse ou exprimée, qui entretient la colère, qui l’amplifie et l’enracine.
Q : quand j’aime une personne et qu’elle se met en colère, pourquoi sa colère est elle si intense ?
K : tout d’abord, aimez vous vraiment qui que ce soit ? Savez-vous ce qu’est l’amour ? C’est donner sans réserve votre esprit, votre cœur sans rien demander en retour, sans mendier l’amour. Vous comprenez ? Quand cet amour est là, y a-t-il place pour la colère ? Et pourquoi nous emportons nous quand nous aimons quelqu’un de ce prétendu amour ordinaire ? C’est parce que cette personne ne répond pas à nos attentes, n’est ce pas ? J’aime ma femme ou mon mari, mon fils ou ma fille, mais dès l’instant où ils font quelque chose de « mal » je me mets en colère. […] Les parents essaient de se réaliser, de s’immortaliser à travers leurs enfants, et quand l’enfant fait une chose qu’ils désapprouvent, ils entrent dans une violente colère. Ils ont un idéal quant à ce que l’enfant devrait être, et à travers cet idéal ils cherchent à se réaliser ; ils sont en colère quand l’enfant ne correspond pas au modèle qui les comblerait. Avez-vous remarqué à quel point parfois vous êtes en colère après un ami ? C’est le même processus qui a lieu…
La colère rentrée, qui est le ressentiment, appelle son antidote, le pardon […] si vous vous libérez de la flatterie comme du sentiment de l’injustice, sans la dureté de l’indifférence, vous arrivez à la miséricorde, à la charité. On ne peut pas se défaire de la colère par l’action de la volonté, car la volonté appartient à la violence. La volonté résulte du désir, de l’envie d’être ; et le désir est par nature agressif, dominateur.Étouffer la colère par la volonté, c’est transférer la colère sur un autre plan, en lui donnant un autre nom ; mais cela appartient encore au domaine de la violence.
J’ai beaucoup appris sur moi-même en comprenant un peu mieux le « mécanisme » de sentiments violents tels que la colère. Je n’ai de leçon à donner à personne, car je suis moi-même loin d’avoir atteint une maîtrise complète de ces ressentis, et j’ai un grand respect pour ces personnes que l’on croise parfois et qui, clairement, « portent » en eux une paix intérieur impressionnante. Mais apprendre à vivre en paix avec moi-même et avec l’autre m’aide beaucoup, à supporter le quotidien mais aussi à mieux voir quelle est ma ligne d’horizon, en comprenant mieux les autres et en apprenant à vivre en harmonie avec mon entourage, en brisant petit à petit les barrières que j’ai pu construire autour de moi et qui m’ont tant isolé de mes proches.
« Quand cet amour est là, y a-t-il place pour la colère ?
Et pourquoi nous emportons nous quand nous aimons quelqu’un de ce prétendu amour ordinaire ?
C’est parce que cette personne ne répond pas à nos attentes, n’est ce pas ? »
Le véritable amour, n’est-ce pas d’accepter ceux qu’on « aime » AVEC leurs manquements ?.. leurs défauts ?… d’essayer de ne pas s’en irriter ?
Alors même si la colère qui monte en nous semble parfois justifiée, surtout ne nous laissons pas dominer par elle au point de dire ou faire des choses que nous regretterions par la suite, ce serait trop bête.
Quittons la pièce, prenons l’air, marchons un peu jusqu’à ce que la colère tombe. Ses effets sur les autres peuvent être destructeurs et sur notre organisme, néfastes (vaut mieux pas les énumérer, ça fait peur :p) … sans compter que, incontrôlée, elle est souvent suivie d’une période de tristesse extrême.
Il est cependant tout naturel d’être parfois irrité à cause d’X chose, alors comme le dit un proverbe : » Que le soleil ne se couche pas sur notre irritation ! »… autrement dit, mettons-nous à table et parlons calmement, avant de poser paisiblement la tête sur notre oreiller ;p