J’ai suivi comme beaucoup le compte à rebours morbide qui nous séparait de l’exécution de Troy Davis, aux Etats-Unis. Bien que mon opinion soit faite sur ce sujet depuis bien longtemps, je suis tout sauf un militant abolitionniste actif, et j’avoue n’avoir jamais entendu de Troy Davis avant cette surmédiatisation de dernière minute.
Mon premier réflexe a été de me dire que j’étais, pour une fois, bien content de me trouver en France : la collision de cet événement avec le 30ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort, par Robert Badinter en 1981, soulignait de manière flagrantes les différences culturelles entre mon pays et les Etats-Unis.
Et puis… au final j’ai trouvé plutôt sains les débats provoqués par cet événements. Il est toujours délicat de discuter autour de la mort d’un homme, encore plus lorsque cette mort est prononcée. Le cas de Troy Davis semblait particulièrement critiquable, tellement il était basé sur un dossier bien fragile. Du coup, un amalgame était facile : parle t’on du cas particulier, avec la fragilité du dossier, ou de l’abolition de la peine de mort en elle-meme ? Bien évidemment, dans les voix qui se sont levées, beaucoup s’intéressaient au cas particulier. Mais le plus important n’est-il pas de mettre et remettre cette question sur le devant de la scène ?
J’ai pu lire plusieurs fois l’argument « et tous les autres condamnés ? ». Il y a eu un autre condamné dès le lendemain aux USA, dont personne n’a parlé. Cruelle injustice des médias, où un tri est opéré dès la salle de rédaction. Mais il ne faut pas être naïf : ce tri existe pour tous les sujets, pas seulement celui-là. Et s’il y a une leçon à tirer de la façon dont les médias ont couvert cet événement (et aussi comme ils n’ont pas forcément couvert l’ensemble du problème), c’est celle de prendre du recul, de se documenter, d’essayer de se forger sa propre opinion en recoupant plusieurs informations. Même si bien sur ce n’est pas toujours simple, et qu’on manque tous de temps pour faire ça sur tous les sujets !
Je reste donc content qu’une telle médiatisation aie eu lieu. Si cela a pu changer quelques états d’esprit, c’est je pense une bonne chose. Mais si l’on veut etre honnete intellectuellement, je pense aussi qu’un débat sur l’abolition doit se faire en ayant en tête des cas bien plus clairs et horribles. Il est beaucoup plus difficile de tenir une telle opinion lorsqu’on parle d’un crime atroce qu’autour du cas de Troy Davis. Mais si l’on arrive à conserver la même opinion autour d’un cas horrible, on sait que son opinion est forgée pour de bon.
Troy Davis est mort. Je ne sais pas s’il est mort de manière injuste ; c’est en tout cas ce qu’il a proclamé jusqu’à la dernière minute, et l’énorme doute sur la validité du dossier subsistera toujours. Mais je sais que pour ma part, je refuse qu’on puisse exécuter un homme, quel qu’il soit, en mon nom. Déjà parce que la sentence est irrattrapable, et on a connu en France notre lot de dossiers prouvant l’innocence d’un condamné.. mais bien trop tard. Mais aussi et surtout parce que, même si aucune sentence ne sera assez dure pour certains crimes, je ne peux imaginer qu’on puisse tuer volontairement un homme.