Je me suis toujours considéré comme un père « accompagnant » : celui dont le rôle est d’apprendre peu à peu la vie à ses enfants, et les accompagner vers une vie adulte qu’on espère des plus épanouies.
Je ne me suis jamais retrouvé dans ces mamans ou papas-poule, qui couvent leurs enfants, les protègent de tout, ne parlent que d’eux, et n’envisagent plus leur vie que par le prisme de leur progéniture adorée. J’ai toujours tenu à avoir ma vie à moi, mes occupations, mes sorties, de ne faire de concession à ma vie personnelle qu’au compte goutte.
Mais ça, c’était avant cette semaine.
Cette semaine, j’ai accompagné mon grand vers sa première grande étape de vie d’adulte : son premier appartement, à une heure de route de « la maison ». Tout est allé tellement vite, le nouveau boulot, le montage du dossier administratif, la bascule vers les grandes décisions… Et aujourd’hui, après à peine quelques jours pour « se faire à l’idée », l’aménagement, à trimbaler sacs, cartons et meubles plus ou moins de récup’.
Et, je dois bien l’avouer, toute ma façade de père moderne assumant sa vie personnelle s’est bien craquelée. Ces quelques jours ont été remplis pour moi d’une profonde mélancolie. Se souvenir des moments passés ensemble, des émotions partagées, des aventures communes. Des complicités, des coups durs, des déménagements déjà… mais ensemble. Là, c’est le cordon qui se coupe pour de bon.
Bien sûr, il ne part pas bien loin, et reviendra régulièrement, d’autant plus que sa chambre est encore là, intacte. On ne s’est jamais aussi bien entendu que ces derniers temps, et on prendra un grand plaisir partagé à se revoir à chaque fois. Mais il n’empêche que, désormais, ça sera « sur rendez vous ». Ca ne sera plus l’évidence d’une vie partagée, d’une trajectoire commune.
Aujourd’hui, c’est ma plus longue cohabitation qui s’achève. 18 ans ! Mais c’est surtout la symbolique de ma mission de papa qui, d’une certaine manière, prendra désormais une autre tournure. Toujours là, mais un peu plus loin. Un repère dans son horizon, plutôt qu’un socle.
Une fois le dernier meuble posé, on n’a pas cherché à retenir les larmes. Le laisser seul dans son nouveau chez-lui m’a dévasté le coeur. C’est un très étrange mélange de sentiments mêlés. Je ressens une grande fierté, non pas pour moi dans mon rôle de père, mais pour lui, de voir les valeurs qu’il porte, sa façon de voir la vie et ce qu’il peut faire pour s’y appliquer au mieux. Mais aussi une profonde nostalgie, que je ne parviens à exprimer qu’avec une phrase tellement bateau que son sens m’avait échappé, et pourtant… : voir ses enfants grandir passe décidément très, très vite.