Fin 1989, j’étais comme à peu près tout le monde devant mon téléviseur en train de voir s’effondrer tout ce qu’on avait connu jusqu’alors : un monde bipolaire…
Un post sur Facebook m’a rappelé ce moment assez incroyable de Rostropovitch, simplement installé sur une chaise pliante devant un pan du mur de Berlin, en train d’improviser un concert devant les personnes sur place. Par chance, quelqu’un a pu filmer la scène, qui fit rapidement le tour du monde.
En faisant quelques recherches sur ce grand musicien, j’ai appris ce soir qu’Aragon lui avait dédié un poème, après qu’il ait joué sur la tombe d’Elsa Triolet, juste après sa mort. Bach, Aragon, Rostropovitch : de quoi faire ma soirée !
Joue encore pour moi Slava la Sarabande
Aux morts ainsi qu’un soir au bout d’un soir à Budapest
Tu m’as joué je sais pour moi seul au fond de la foule caché
Cette plainte à mon image dont est faite ma nuitNous irons sur la tombe où dort mon Immortelle
Dort crois-moi seulement ma Belle au Bois dormant
Tu reprendras ce chant que tu jouas sans elle
Au loin près du Danube et qui la nuit dément
Ta main caressera les nerfs du violoncelle
Il saura me calmer tout bas en allemand
Pareil au bas-voler par quoi les hirondelles
Semblent parodier le parler des amants
Pour annoncer la pluieRegarde mon ami notre grand lit de pierre
Où je m’irai coucher par un jour merveilleux
Près d’elle un lit profond profond où d’être deux
Sera doux comme avant et viendra la lumière
Lire d’un doigt de feu les mots prophétisésLes doux mots bleus d’Elsa les mots inoubliables
Quand côte à côte nous serons enfin des gisants
Tu les entends ces mots ouvrir leurs primevères
Pour notre messe à nous qui n’aura pas de finPar toi qu’elle commence à la veille d’hiver
Charriant ton coeur lourd toi jusqu’ici qui vins
Assieds toi sur le banc et devant nous ensemble
Pour toujours aujourd’hui sans plus attendre joue