Ca fait deux articles que je crache sur Facebook, et voici que, ironie du sort, ressurgit de ce réseau social une demande d’ami qui m’a surpris et téléporté dans un passé que j’avais vraiment enterré dans un coin de ma mémoire depuis longtemps..
On ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes. – Proverbe juif
Les quelques rares personnes qui me connaissent bien peuvent en attester, j’ai toujours eu du mal à « gérer » mon passé. Non pas que j’aie été trafiquant de drogue ou que j’aie été élevé par une famille de crapules mafiosi, mais il faut bien avouer que j’ai toujours cherché à oublier mon passé, à mal l’accepter. Sans doute parce qu’il est balisé d’événements pas très facile à se remémorer, mais c’est devenu un réflexe protectionniste beaucoup trop appuyé.
J’ai reçu, donc, sur Facebook il y a deux jours une demande d’ami en provenance d’un contact que je n’avais pas vu depuis… Pfff… Pour vous dire, la dernière fois, je pense que je devais être à l’école primaire, et lui avait encore l’obligatoire coupe de cheveux hippie qui était en vogue à l’époque. Il s’agissait du premier copain d’une de mes soeurs, avec qui j’avais quelques rapports plutôt proches, que j’aimais bien, et qui, surtout, symbolise pour moi toute une époque à laquelle je ne pensais plus du tout.
J’en ai profité pour ressortir les albums photo, et revenir en arrière, à la glorieuse époque des années 70, avec ses vêtements improbables, sa légèreté au moins apparente, et puis… le sourire d’un petit garçon. Moi.
Je croyais connaître ces photos par coeur, mais en fait je ne me voyais pas. Je ne voyais pas, probablement parce que je ne voulais pas voir, à quel point j’avais pu être un petit garçon… comme les autres, toujours le sourire au visage. Je me suis forgé une image du passé tellement lourde, pesante, que j’en avais complètement oublié que j’avais pu être un enfant tout à fait normal et épanoui. Photos de vacances, de copains, de famille, de moments heureux partagés entre insouciance et… bonheur. Tout simplement.
Parmi les nombreux sujets pesants que je « travaille » pour tenter d’aller de l’avant, la façon dont je vois mon passé fait partie de ceux qui sont les plus douloureux à « accoucher ». Mais j’ai conscience que, comme pour tout le monde j’imagine, la clé de voûte est là, et que jamais je ne pourrais me débarrasser de certains comportements sans avoir réglé ça.
C’est la tarte à la crème du psy d’aller sur un côté « Allongez vous, et parlez moi de votre enfance ». J’ai pu exprimer ces derniers temps des tas de choses, à l’oral, à l’écrit (pas ici par contre.. peut être un jour..), et j’ai eu l’impression, comme sur plein d’autres sujets, de « laisser des valises derrière moi ». Mais jamais je n’avais encore eu cette prise de conscience… tout simplement d’avoir été un gosse épanoui, et pas forcément l’espèce de gamin tourmenté aux noeuds dans le cerveau que j’avais en tête. Les deux aspects sont sans doute vrais, mais j’ai l’impression d’avoir un peu rééquilibré la balance depuis deux jours. Ce sourire sur de vieilles photos est peut être un détail, mais c’est le symbole de beaucoup de choses pour moi. Le symbole d’une réalité du passé que je me mets à accepter, à ne plus nier. Et tout le reste avec.
Je me souviens d’une interview qui m’avait marqué lorsque j’étais ado. Une sorte de questionnaire de Proust, où la question suivante était posée : « Vous sentez vous plutôt fils, ou père ». Et, dès cette époque, je répondais spontanément « Père ». Sans avoir d’enfant ! C’était quelque part tout à mon honneur, mais je m’aperçois aujourd’hui du déséquilibre que j’ai longtemps eu en moi. D’une part en voulant en porter sur mes épaules plus que nécessaire, je me retrouvais au final à ne plus rien parvenir à porter du tout. Et aussi (et peut être « surtout »), la négation d’avoir des racines, un socle, base indispensable pour pouvoir aller de l’avant et construire de manière pérenne.
Voilà comment une demande de contact, une téléportation dans les glorieuses années 70, avec ses voitures fleuries, ses cheveux longs et ses utopies, m’ont fait prendre conscience de la nécessité d’avoir des racines, un passé, d’en être fier, et de s’appuyer dessus, pour pouvoir pleinement assumer de manière stable l’avenir que je me construis. Et c’est pas trop tôt !