Monthly Archives: mars 2010

L’expérience de Milgram

Grosse émission hier sur France2, « Le jeu de la mort » : sur un format « à la Dossiers de l’écran » (film + débat, il ne manquait que la musique flippante du générique), une version revisitée de l’expérience de Milgram : la preuve qu’on peut faire faire à peu près n’importe quoi à n’importe qui, y compris le transformer en tueur, sous couvert d’autorité.

Je connais assez bien cette expérience, m’étant pas mal documenté dessus après l’avoir découverte dans un de mes films préférés, « I comme Icare« , d’Henri Verneuil. J’ai donc regardé avec curiosité cette émission, qui était un « remake » de l’expérience sous couvert d’un jeu télévisé.

L’expérience a donné les mêmes résultats, voire des pires : 85% des candidats amenaient la personne en face jusqu’à la mort, chiffre bien entendu terrifiant. Mais ce qui m’a heurté est le débat qui a suivi : au lieu de faire, comme Milgram l’a fait, une projection sur les comportements humains (face à une religion, une autorité politique, dans la vie de tous les jours..), tout ou presque s’est recentré sur le rôle de la télévision (avec des intervenants brillants, à l’instar de Jean-Marc Morandini).

J’ai trouvé ça carrément réducteur : je l’ai vécu comme un « mais c’est pas vraiment ‘nous’, c’est la faute à la télé ». L’émission voulait prouver quoi ? Qu’un plateau télé était intimidant pour le commun des mortels ? Autant la preuve était terrifiante et violente, autant le discours autour m’a donné la sale impression de se cacher derrière son petit doigt.

Non, ce comportement humain n’est pas lié à la télévision. Et débattre si La ferme célébrités ou Secret Story est une émission dangereuse n’avait ici aucun intérêt, ou, du moins, réduisait la portée du message. Ce que Milgram avait prouvé dans les années 60, c’est que, sans aucune motivation (même pas pécuniaire, contrairement à ce qu’on a vu hier), ni aucune pression hormis les directives neutres d’un inconnu habillé en blouse blanche, l’humain était capable de n’importe quoi.

Constat en tout cas terrifiant, mais qui permet de comprendre bien des hérésies… Une des rares intervenantes intéressantes d’hier rappelait qu’en parallèle de l’expérience de Milgram se tenaient les derniers procès contre les nazis responsables des exterminations de la seconde guerre mondiale. Beaucoup utilisaient l’argumentaire : « Je ne suis pas responsable, je n’ai fait qu’obéir aux ordres ». Là où beaucoup y voyaient une stratégie de défense, peut-être faut il y voir une réalité… qui est finalement encore plus grave, et tout à fait terrifiante !