Fablabs

(un jour j’écrirai plus régulièrement sur ce blog, un jour…)

Vous le savez peut-être, j’interviens en tant que technicien dans l’émission Système-co, diffusée tous les mois sur Radio Campus. Cette fois-ci, le thème abordé, les fablabs, me parlait particulièrement, ne serait-ce que par ses liens avec mon activité professionnelle. J’en ai donc profité pour tenir la chronique d’introduction de l’émission.

J’aime bien l’exercice du « billet » destiné à une diffusion radio. Il faut être suffisamment concis, parler à son auditeur, rester dans un style relativement « oral » tout en le préparant suffisamment à l’écrit.

Je ne suis pas trop mécontent du résultat, je le diffuse du coup ici pour mémoire

Au milieu des Big Data et autre Cloud Computing, pas de doute, les FabLabs sont à la mode. La preuve, tout le monde en veut un ! Mais avant d’être le mot-clé qu’il faut afficher pour être à la pointe du digital, pardon, du numérique, un fablab est avant tout une formidable aventure et un retour à du concret pour tous ceux qui passent un peu trop de temps perdu dans le virtuel et sur la toile tissée autour d’Internet.

Le mot Fablab n’a rien a voir avec « Fabuleux », même si on pourrait aussi en parler ainsi. Un fablab, c’est un laboratoire de fabrication. Une sorte de chainon manquant entre le geek informaticien, l’industriel dans son usine, et le créatif qui bricole ses oeuvres avec ses 10 doigts. Et comme tout ce qui est transverse entre plusieurs communautés, on glisse rapidement sur ce qui nous intéresse ici… le collaboratif.

Sur le papier, la notion même de Fablab, telle qu’elle a été imaginée par le Massachussets Institute of Technology, ressemble plutôt à une liste au père noël rédigée par un bricoleur technophile : entre imprimantes 3D, fraiseuse de précision, découpeuse laser ou automate de gravure, il n’y a pas de quoi passionner les foules. Mais c’est l’usage que l’on fait de ces outils, et la diversité des populations qui peuvent être impliquées, qui amène cette couleur si particulière, ce côté complètement imprévisible. Va t’on parler de technologies ultra-modernes ? De redécouverte de pratiques artisanales anciennes ? D’économie sociale et solidaire ? De création artistique ? Nul ne le sait à l’avance en passant la porte d’un fablab, et bien tout ce qui fait le charme de ce genre de lieu.

D’aucun préféreront le terme de hackerspace, peut-être plus alternatif, moins restrictif, et plus ouvert au monde du libre, de l’opensource, et surtout de l’esprit hacker. Mais attention, on ne parle pas ici du méchant pirate qui va chercher à vider votre compte en banque. On évoque plutôt le hacker au sens premier, plus noble du terme, celui qui va détourner une idée, un concept… ou un objet pour l’utiliser à tout autre chose que son but premier. Si vous utilisez du coca par exemple pour nettoyer de l’argenterie, vous êtes vous aussi, à votre manière, un hacker. Mais derrière le hacking, c’est surtout la soif de comprendre qui est moteur, la pulsion irrépressible d’ouvrir les boites noires pour maitriser le moindre rouage des mécanismes qui régissent notre quotidien.

Bref, derrière ces laborantins improvisés, ces bidouilleurs fous, ces éternels curieux, c’est tout un mouvement qui s’amorce aujourd’hui. Les artistes apprennent à utiliser des technologies réservées il y a peu aux industries lourdes. Les informaticiens apprennent à sortir de leur coquille et retrouvent les fondamentaux de leurs prédécesseurs, lorsqu’un ordinateur ressemblait plus dans l’esprit à une 2CV qu’à une tablette verrouillée de l’intérieur. Et les industriels, les entreprises, apprennent à découvrir tout le bénéfice que peut apporter la collaboration, le croisement avec d’autres sensibilités que les leurs, le travail avec les fameux crapauds fous qu’on affectionne tant dans cette émission.

Est-ce une « révolution », pour ressortir un cliché un peu usé ? Pas vraiment, au sens où tous les éléments mis en jeu existent déjà. Ce qui est nouveau, c’est de faire sortir les technologies connectées du virtuel. C’est de faire se rencontrer des gens qui n’avaient pas eu l’occasion d’échanger jusqu’à maintenant. Peut-être pourra t’on un jour imprimer soi-même sa maison, ou sa voiture, ou sa tasse à café. Mais là n’est pas l’important. Derrière toutes ces disciplines très technique se cache en effet un côté très humain. Au delà de la maitrise des outils, beaucoup de questions sont soulevées : quelle sera notre vie dans quelques années ? Comment intégrer la technologie à notre quotidien sans se faire dépasser par elle ? Que faire pour perpétuer des savoirs anciens, des traditions artisanales, et les intégrer dans de nouveaux projets ? Comment pleinement associer une dimension sociale, presque politique, et se réapproprier des domaines qui avaient été un peu trop été laissés entre les mains d’industries puissantes depuis quelques décennies ? On parle bien là de réappropriation, et les « makers », comme ils s’appellent eux même, tous ces adeptes du do-it-yourself, cherchent à concilier leur grande curiosité naturelle à une volonté forte d’agir, de sortir de chez eux et d’impliquer un maximum de gens pour se réapproprier leur quotidien, et réfléchir à celui de demain.

Poussons donc la porte d’un fablab, et partons à la découverte de ce monde pas si inaccessible que ça, exemple parfait du collaboratif au sens le plus poussé du terme.

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