5 décembre

Je me suis attaqué, pendant cette trève des confiseurs, à un travail que j’ai mis de côté depuis maintenant 25 ans (record de procrastinateur !) : dépoussiérer, numériser, mettre en page le manuscrit qu’a laissé ma maman quelques années avant sa mort.

J’espère venir à bout prochainement de ce travail bien plus long et éprouvant que je l’aurais pensé. Certains passages sont particulièrement lourds, ou remplis d’émotions, pour moi en particulier bien entendu. Mais je travaille en ce moment sur un passage qui est forcément à part pour moi : celui décrivant ma propre conception !

Même si l’histoire racontée dans ce manuscrit est, pour bonne partie, triste et amère, je garde ce passage là comme un bien précieux, car c’est une belle chose de savoir qu’on a été conçu dans le plaisir et l’accomplissement !

Aujourd’hui, par exemple, j’ai rendez-vous avec Jean. Nous sommes le 5 décembre. Quelle importance cela a-t-il ? Aucune, en tout cas pour le moment. Mais il n’empêche que nous sommes le 5 décembre et que je suis chez Jean. Je suis bien déçue quand il m’annonce qu’il a un rendez-vous important dans quelques minutes et qu’il ne peut manquer sous aucun prétexte. Il doit aller voir un Agent Immobilier pour décider de l’achat de deux appartements contigus, l’un pour son domicile, l’autre pour son cabinet. Je suis d’autant plus déçue que je viens de m’acheter un ravissant petit ensemble culotte et soutien-gorge en broderie anglaise bleue et que…Mais à quoi pensais-je donc et pourquoi l’ai-je dit? On a de ces idées parfois, et quel poids peut donc avoir un petit peu de broderie anglaise bleue contre l’achat de deux appartements tout neufs, très luxueux et très chers ? Jusqu’à ce jour, je vous aurais répondu : aucun. Mais je sais maintenant que rien n’est réellement futile et rien n’est réellement très important.

Toujours est-il que Jean veut admirer derechef le petit ensemble et qu’en quelques secondes, il oublie san rendez-vous tellement important, ses deux futurs appartements et son agent immobilier.

Notre étreinte n’est pas très longue mais tellement intense, lumineuse que je sais ce que signifie l’extase d’être pleinement comblée. Nous sommes comme terrassés, abasourdis et il nous faut un bon moment avant que l’agent immobilier ne se rappelle à notre ban souvenir, et encore un bon moment avant que Jean ne se décide à se rendre tout de même à ce rendez-vous, avec tellement de retard. La réalité nous sépare brusquement mais une fois dehors, dans la rue, je suis encore toute émerveillée, chamboulée complètement sans trop savoir pourquoi. Si j’osais, je danserais dans la rue, je bousculerais les gens sur le trottoir, je chanterais à tue-tête n’importe quoi. Mais je n’ose pas et je marche gentiment, posément, comme il convient à une jeune femme qui ne doit pas se faire remarquer.

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