Pourquoi Stallman n’est pas le bon représentant du libre

J’utilise souvent la « métaphore de la grenouille » : balancez une grenouille dans de l’eau bouillante, elle bondira hors de l’eau. Mettez une grenouille dans de l’eau froide, puis faites chauffer petit à petit, elle restera à se faire gentiment bouillir.

Une métaphore à la noix donc qui m’est venu à l’esprit quand j’ai vu les récentes photos de Richard Stallman et de l’APRIL contre les DRM : pour protester contre la récente légitimation des systèmes de verrouillage des données numériques (systèmes anti copies et autre – cliquez ici pour en savoir plus), Stallman est allé toquer à la porte de Matignon, une pétition de 165 000 personnes sous la main (quand même !), pour bien entendu se faire refouler. Ou, comment, en 5mn, gâcher une cause soutenue par plus de 150 000 personnes.

« bien entendu » ? Comment pourrait il en être autrement ? Dans cette république très institutionnalisée, comment trouver, du point de vue du gouverment, une légitimité à une bande de chevelus qui font le forcing pour tenter de barrer la route à quelque chose, qui, d’un point de vue du novice, va dans le bon sens (limiter les copies d’oeuvres d’artistes) ? Je suis d’assez près les actions de l’APRIL, et je les respecte profondément, d’autant plus que le président de cette association est une bonne connaissance à moi (Benoit Sibaud est un ancien de l’ISIMA, et de la même promotion que moi) ; mais je suis persuadé qu’ils font ici fausse route, à la jouer « actions commandos » et flashmobs. Ca ne sert même pas à attirer la presse, car Stallman n’est quasiment pas connu même de la presse spécialisée, hormis le petit univers dans lequel il navigue.

Richy vs CRS Cliquez ici pour d’autres photos

Qu’on ne s’y méprenne pas, je trouve a 100% que leur cause est juste : les DRM, sous couvert d’une protection propre, risquent d’être une vraie catastrophe pour la conservation des données à long terme et leur simple utilisation. Je prendrais pour exemple un disque de Radiohead que j’ai acheté récemment sur le net (je précise bien, acheté), et que je suis dans l’incapacité de lire, tout simplement parce que les fichiers sont protégés à un format que mon ordinateur ne sait pas lire. Je n’ai aucune autre possibilité que de mettre mon « disque » à la poubelle, ou de m’équiper pour plusieurs centaines d’euros avec un matériel permettant de lire les fichiers. Les papyrus égyptiens ont traversés les millénaires, et on ne sait même pas si une donnée acquise aujourd’hui sera lisible dans les années à venir.

Revenons en à nos moutons, ou plutôt nos grenouilles : je vais sans doute choquer un certain nombre, mais je ne trouve pas que mettre en avant des geeks, des barbus en toge et sandales de Jésus (je caricature à peine) pour défendre la cause du logiciel libre en général, et de lutter contre les DRM en particulier, soit une bonne chose. Richard Stallman est un personnage fabuleux et qui a donné sa vie avec honnêteté et passion pour défendre de justes causes, mais je suis aujourd’hui persuadé qu’on n’arrivera à rien dès lors qu’on arrivera à la tranche des décideurs, des grandes entreprises, et des gouvernements en particulier.

Je suis déjà allé à une conférence de Stallman : c’était un excellent souvenir, car le personnage est bon orateur, et sa passion transparait dans ses paroles (même si son discours s’avère sacrément répétitif, mais bon c’est un peu la stratégie voulue), mais qui avait il dans la salle ? Des convaincus, d’autres geeks ou nerds prêts à se prostrer et à faire bénir leur PC Windows-free (ce qui donne en prime au mouvement un air de secte, bonjour l’image…), et des curieux venus voir quasiment un « phénomène de foire », voir de prêt à quoi ressemble un geek ultime, en attente des obligatoires piques contre Microsoft, et qui ne retireront jamais rien de la philosophie du libre, si ce n’est qu’ils pourront pomper leurs softs sans être emmerdés.

Stallman en tenue de scène, avec son disque dur 20 pouces sur la tête

Bah oui, c’est triste à dire, mais la société d’aujourd’hui à besoin de gens « propres sur eux », qui ne dérangeront pas trop au premier abord, qui se feront accepter dans les réunions, les colloques, les « états généraux » des gouvernements, et qui, par leur volonté, leur passion à eux aussi, leurs convictions, parviendront – peut-être – à changer les choses. L’eau froide pour la grenouille, qu’on fera chauffer ensuite.

J’ai souvent remarqué que j’étais bien souvent mieux écouté, compris, et respecté, lorsque je venais a des réunions de travail en étant fringué « conforme » aux standards plutôt qu’en geek que je continue à être un peu, enfin, j’espère 😉

Simulation faite par ordinateur du visage de Richard Stallman sans barbe et après s’être coupé les cheveux

Bah oui, on parle de la cause des logiciels libres, et je vous parle fringues. Superficiel ? Sans doute. Hors propos ? Peut-être. Mais le monde du libre a vraiment besoin d’une vraie reconnaissance auprès des autorités. (à suivre…).

One Comment

  1. Répondre
    Yoan 14 juin 2006

    Bon tu pensais m’énerver avec cet article mais pas du tout 🙂 Je suis plutôt d’accord avec toi sur les points que tu abordes.
    Stallman est un sacré personnage, une tête, un mec très intelligent mais il est clair que pour représenter le libre au niveau de l’entreprise, des gouvernements, ce n’est peut-être pas le représentant idéal.
    Nous utilisons en plus de nos Linux, Mac OS X maintenant alors on risquerait de se faire flageller :p
    Cependant nous ne pouvons pas négliger tout le travail qu’il fourni. Sans lui, le libre ne serait pas où il en est aujourd’hui. C’est grâce à des personnes comme ça que des idées préconçues ont pu être changées.

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